Dernier jour de permanence DUP de Cigéo. Nous sommes toustes à Montiers-sur-Saulx depuis 10h pour le final de l’enquête publique du projet de mégapoubelle nucléaire.
Les commissaires enquêteur.ices viennent de quitter la mairie, accompagné.e.s par les sempiternelles troupes de cinquante gendarmes, RG mal sapés et autres forces de l’ordre. Iels ne nous manquent pas, mais leur départ sonne le clap de fin du premier volet de nos actions et manif’ Ni DUP, Ni DAC. Car nous serons toujours là, peu importe le résultat de cette enquête dont le résultat est déjà connu d’avance. Et quand le décret de DUP sera promulgué, quand les premiers coups de pioche des aménagements préalables seront donnés, quand le processus de DAC débutera… Nous serons encore et toujours là ! Au grand dam de l’Andra qui aurait préféré mettre sous silence notre opposition et dégager les obstacles qu’on lui posent sans relâche.
200 personnes au rendez-vous. 5 tracteurs et au volant les agriculteur.ices des villages concernées, paysan.nes d’ici et des alentours, habitant.e.s et amoureux.ses de leurs terres natales et d’accueil, militant.e.s paré.e.s de couleurs bariolées, cyclistes déterminé.e.s à braver le froid du matin, associations locales, élu.e.s opposant.e.s inconditionnel.le.s à Cigéo… Fin de la mascarade démocratique et poursuite des festivités sur la musique de concerts punk sur le parvis de la mairie.
Retour sur le déroulé de cette matinée.
Le rassemblement a débuté à 10h avec un rassemblement devant la mairie et un cortège de tracteurs redécorés pour l’occasion, bétaillères, cycles et marcheur.euses déambulant vers le centre de Montiers-sur-Saulx. On peut lire sur les véhicules A bas l’Andra leur fric et les chardons, ANDRA tu hors de ma vue, drapeaux de la Confédération Paysanne…
Arrivée devant la mairie, ça s’active : on monte les barnums, on démarre le billig pour les crêpes et on sert les thés et cafés bien chauds… Sono branchée et micro allumé, on n’attend pas : on est toujours là et on le crie haut et fort « Andra et Dégage, Résistance et sabotage ». On le martèle aussi : à peine sortis des remorques, les panneaux affiches jaunes AVIS ENQUÊTE PUBLIQUE qui ont été joyeusement retirées des bords de route sont replantés sur la pelouse de la mairie avec de nouveaux messages : ENFOUISSEZ plutôt Gérard Longuet // Ni à Bure Ni Ailleurs // Drastique Urgence Partir…
Et on grince des dents : Qui va à la chasse ? // TORRES la chasse est ouverte peut-on lire sur certaines pancartes. Alors que le Bois Lejuc est soi disant inaccessible aux habitant.es du coin comme aux opposant/es à Cigéo, Patrice Torres directeur de l’Andra propose des droits de chasse dans ce même bois, en mode opération séduction… Et un événement façon team building le 29 octobre entre l’Andra et les chasseurs est déjà annoncé dans le même bois. C’est ce même directeur qui s’exprimait en 2015 au média Est Eclair : « [La chasse] est un outil de relations publiques qui permet de toucher une large partie des acteurs du territoire… Mais pas dans l’objectif de les rendre redevables ou de leur bourrer le crâne. ». Pour asseoir son influence et acheter les consciences, l’Andra joue toujours la même ritournelle. On se rappelle les parties de chasse organisées par l’agence dans le domaine du Baudray qu’elle avait acheté en 2013 pour 1,6 millions d’euros d’afin d’y inviter des notables locaux, entre discussions d’affaire et fusils chargés.
Mains chargées d’artefacts et de nourriture, les habitant.e.s sont venu.e.s en nombre pour venir remettre à l’enquête publique des petits bouts de patrimoines, de vies, de morceaux de terre que l’Andra veut venir piétiner, saccager de ses pollutions radioactives et nous arracher. Tour à tour, iels viennent les déposer sous les arcades de la mairie et prennent la parole. Légumes du potager, branches du Bois Lejuc, grains de blé de l’année, confitures de fruits de Meuse, vélo d’enfant, eau des sources encore préservées, champignons à peine cueillis dans les forêts alentours…
Ceux-ci sont des symboles de nos existences, des témoins de ce que nous réussissons à créer et à jouir, des fragments de vie que nous menons avec joie et conviction, ces fragments que le nucléaire n’a pas encore réussi à nous arracher et que l’Andra menace de nous enlever avec la DUP. Les témoignages sont forts et chargés d’alerte : Cigéo aura un impact irréversible sur les propriétaires agraires, sur le bien commun de la forêt, sur la liberté de circuler, sur la qualité de nos eaux, sur les générations futures… Nous savons que nos vies ne seront plus les mêmes après l’obtention de la DUP et le démarrage des travaux de la poubelle nucléaire. Le message est clair : nous ne laisserons pas ce projet mortifère détruire ce qu’il y a de plus précieux : nos existences et le vivant.
La remise de ces morceaux de vie se clôt avec une prise de parole de plusieurs militant.e.s.
Place ensuite aux retrouvailles, aux danses, aux jeux et aux chansons. C’est le groupe punk Habits Sales (Nancy) qui ouvre les festivités, suivi par René Biname (Belgique). Le collectif alsacien des paysans en lutte contre Cigéo est présent pour nous régaler de ses produits locaux. Des wraps vegan et crêpes sucrées sont servies. Une librairie indépendante présente de superbes affiches et les stands des assos délivrent l’information. Le bal est tellement joyeux et déjanté qu’on en oublie la sortie des commissaires enquêteur.ices par la porte arrière de la mairie.